PORNO-PAINTINGS — Michaela Sanson Braun — 09 mai — 19 juillet — 2025



Michaela Sanson-Braun présente Porno-Paintings à Scroll galerie, une exposition où la peinture devient un terrain d’exploration intime et sociale autour d’un tabou persistant : pourquoi la pornographie dérange-t-elle autant ?
Dans cette nouvelle série, entre abstraction et réalisme, entre érotisme et iconoclasme, l’artiste s’interroge sur la gêne, le désir et les normes qui entourent ces images souvent perçues comme dérangeantes et inacceptables.
« Cette exposition a été un vrai défi personnel », confie Michaela Sanson-Braun. « Je voulais comprendre mon propre rapport à ces images, et chercher, à travers la peinture, une forme de réconciliation ou d’émancipation. » En s’affrontant à ces images, elle interroge aussi les racines morales de la culpabilité sexuelle, pointant les injonctions religieuses et culturelles toujours présentes dans la perception du corps et du plaisir.
Michaela Sanson-Braun transforme l’image pornographique en surface sensible, où se mêlent pulsion et distance. Certaines toiles sont crues, explicites, elles imposent une confrontation directe ; d’autres, plus épurées, plus silencieuses, laissent place au manque, au flou, à l’imagination. Dans l’ombre, quelques éclats de lumière attirent l’œil : un ongle brillant, un filet de salive, un cou tendu, une bouche entrouverte, un sein nu, des bras entremêlés. Et surement plus. Par fragments, les images se recomposent chez Michaela Sanson-Braun par juxtaposition et collage. Elle puise aussi bien dans l’Antiquité grecque que dans des tirages photographiques glanés sur internet, et emprunte aux styles de grands artistes iconiques — on reconnaît ici un clin d’œil à Picasso, là une réminiscence de Brauner. Ces scènes ainsi éclatées créent un monde subjectif, à la fois discontinu et sensuel, où l’absence et la présence se répondent. Les cadrages serrés, les détails choisis, ménagent des vides que l’imagination vient combler. Car ici, le regard devient aussi érogène que la peau.
« Dans un monde où les corps sont de plus en plus normés, et où la liberté d’expression est remise en question, l’art doit prendre position », affirme l’artiste. « Ma peinture est un moyen de célébrer le sexe et la nudité, tout en créant un espace de réflexion sur la liberté, le regard et les représentations féminines. »
Dans un contexte marqué à la fois par un retour du puritanisme et une surabondance de corps canonisés, sexualisés et « filtrés » sur les réseaux sociaux, Michaela Sanson-Braun explore la représentation du sexe jouant des caractéristiques de la peinture comme métaphore de ce rapport complexe affranchi des normes dominantes. Sa peinture brouille les frontières entre figuration et abstraction, entre réalité et perception, à travers flous, gestes rapides et effacements. Certains tableaux suggèrent la censure : des rectangles noirs – bien placés – qui rappellent les couvertures de magazines censurées ou les détournements graphiques de Barbara Kruger, qui joue elle aussi de la confrontation entre image et interdiction ; d’autres motifs tels des autocollants en forme de fleurs cachent des détails, comme une allusion à l’autocensure pratiquée sur les réseaux sociaux, viennent cacher ce qui pourrait être jugé « obscène ». Ces dispositifs évoquent aussi les collages féministes de Martha Rosler et rappellent les performances radicales de Valie Export, toutes deux ayant interrogé la manière dont le corps féminin est exposé, dissimulé ou contrôlé dans l’espace public et médiatique.
Un écho direct à l’histoire de l’art et à certaines œuvres jugées scandaleuses, à l’image de L’Origine du monde de Courbet, tableau emblématique du désir et de la censure, qui resta caché pendant près d’un siècle, Michaela Sanson-Braun poursuit ce dialogue : elle montre et dissimule, expose et efface, laissant au regardeur la responsabilité de voir et de désirer. Elle rejoint ici l’approche de Marlène Dumas, dont les portraits sensuels et ambigus brouillent les frontières entre érotisme, malaise et tendresse, interrogeant sans relâche le pouvoir des images et la charge émotionnelle de la peinture. Ailleurs, la peinture est elle-même malmenée, comme effacée à coups de chiffon, ne laissant que quelques traces fugaces et témoins à peine lisibles d’une image sur le point de disparaître. Cette esthétique de l’effacement devient ici un geste politique : ce qu’on tente de cacher, l’artiste le montre — ou plutôt, elle le suggère, en laissant à celui qui ose regarder la liberté de projeter ses propres images.
« En montrant des images crues, explicites ou dérangeantes, je défends deux libertés fondamentales : celle d’exprimer et celle de dire. C’est la base de ma démarche », explique-t-elle. Avec Porno-Paintings, Michaela Sanson-Braun rejette toute logique de domination. Son approche n’est ni morale, ni provocatrice, mais profondément libre. Elle ne cherche ni à choquer gratuitement, ni à séduire. Elle interroge les normes sociales héritées, le rapport au sexe, au corps, à la représentation des femmes. Son travail repose sur un équilibre subtil : la maîtrise du médium et de la composition donne de la légèreté et de l’humour à un propos parfois lourd. C’est ce paradoxe – entre confrontation et douceur – qui rend sa peinture si singulière. Sa peinture célèbre le sexe autant qu’elle le décortique. Les corps y sont présents sans être offerts, montrés sans être figés. C’est une peinture qui interroge, qui se dérobe, qui résiste.




Sexualité, pouvoir, image, liberté. Michaela Sanson-Braun aborde ces thèmes sans détour, affirmant son droit de représenter ce qui trouble ou fascine. Pour elle, peindre ces images, c’est affirmer une liberté essentielle : celle de créer sans censure, en tant que femme, en tant qu’artiste. La peinture devient alors un outil de pensée.
Sa peinture cherche une autre relation à ces images – moins conflictuelle, plus apaisée. Elle déconstruit pour reconstruire, entre érotisme et pornographie, entre fantasme et réalité. Cette exposition ne montre pas seulement des corps : elle interroge notre manière de regarder, et ce que cela dit de notre rapport au désir.
Comme un clin d’œil à Magritte : « Ceci n’est pas une pipe ». Ce que vous voyez ici n’est que peinture. Mais peut-être est-ce aussi bien plus que cela.
Texte : ©Marie Dupas
Visuel : ©Gregg Bréhin
HOT DOG — Performance culinaire — Clélia Berthier — 23 mai — 2025
Photos : ©Marine Bréhin
